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Newsletter Février 2024 : Le focus du mois : violation de la liberté d’expression d’un salarié ayant critiqué les dysfonctionnements de son entreprise

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Publié le
15/4/2024
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Les actualités de février 2024

Liste des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnelles organisations professionnelles d'employeurs suivantes :

·  Mouvement des entreprises de France (MEDEF) ;

·  Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) ;

·  Union des entreprises de proximité (U2P).

Arrêté du 9 février 2024 fixant la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Les jurisprudences récentes

Délai d’un mois pour le licenciement disciplinaire et nouveaux faits fautifs : Il résulte de l’article L. 1332-2 du Code du travail que le licenciement disciplinaire doit intervenir dans le délai d’un mois à compter de la date de l’entretien préalable. L’expiration de ce délai interdit à l’employeur de convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable pour les mêmes faits  Cass. soc., 14 févr.2024, n°22-19.351.

Congés payés et arrêt maladie : le Conseil constitutionnel a considéré que le 5° de l’article L3141-5 du Code du travail, prévoyant que sont assimilées à des périodes de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés les périodes, dans la limite d’un an, de suspension du contrat de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle, est conforme à la Constitution. Les Sages ne contredisent pas les décisions rendues le 13septembre 2023 13.09.23, n°22-17340 à 342, n°22-17638, n°22-10529, par lesquels la Chambre sociale de la Cour de cassation a écarté les dispositions françaises relatives à l’acquisition des congés payés en raison de leur contrariété avec le droit européen dans la mesure où le Conseil constitutionnel s’est prononcé uniquement sur la conformité du Code du travail à la Constitution, là où la Cour de cassation s’est prononcée sur la non-conformité du droit français au droit européen. La jurisprudence du 13 septembre 2023 est toujours d’actualité !

Décision n°2023-1079 QPC du 8 février 2024

Le focus du mois : licenciement – violation de la liberté d’expression d’un salarié ayant critiqué ayant critiqué les dysfonctionnements de son entreprise.

Un salarié, employé d’une banque a été licencié pour avoir envoyé à l’équipe d’organisation et de direction de personnel de son employeur un courriel critiquant les méthodes de gestion d’un responsable de haut niveau de la banque. Les tribunaux nationaux ont confirmé ce licenciement en considérant que le contenu du courriel dépassait les limites de la critique et était de nature à accuser et charger le responsable en question de la banque, que ce courriel avait causé des désagréments dans le lieu de travail et que dans ces circonstances l’employeur ne pouvait pas être considéré comme tenu de continuer à employer le requérant.

La Cour rappelle que la protection de l’article 10 de la Convention s’étend à la sphère professionnelle en général (Melike, précité, §39, et Herbai c. Hongrie, no 11608/15, § 36, 5 novembre 2019).

Dans son considérant 41, la Cour rappelle que les relations de travail doivent se fonder sur la confiance entre les personnes. Même si la bonne foi devant être respectée dans le cadre d’un contrat de travail n’implique pas un devoir de loyauté absolue envers l’employeur ni une obligation de réserve entraînant la sujétion du travailleur aux intérêts de l’employeur, certaines manifestations du droit à la liberté d’expression qui pourraient être légitimes dans d’autres contextes ne le sont pas dans le cadre de la relation de travail (Palomo Sánchez et autres, précité,§ 76).

Dans son considérant 44,  la Cour observe d’emblée que le licenciement du requérant trouve son origine dans les propos que celui-ci a tenus à l’endroit de H.K., qui était le président du conseil d’administration de Borsa Istanbul à l’époque des faits, lorsque l’intéressé a critiqué dans son courriel les pratiques et le style de management adoptés par H.K. en faisant une comparaison entre les actes et les décisions de ce dernier et ceux de Jeff Bezos en ce qui concerne la gestion de leurs entreprises respectives.

Dans son considérant 46, la Cour rappelle qu’une distinction claire doit être faite entre critique et insulte, cette dernière pouvant, en principe, justifier des sanctions.

Dans son considérant 49, la Cour relève que certes, dans son courriel, le requérant a utilisé un langage sarcastique [...] mais qu’au regard du contexte dans lequel celui-ci a été envoyé et aux destinataires auxquels il s’adresse, le style et le contenu provocateurs et quelque peu offensants de ce courriel ne peuvent être considérés comme gratuitement insultants dans le cadre du débat d’intérêt dans lequel celui-ci s’inscrivait. Par ailleurs, la Cour note que l’envoi par le requérant du courriel en question a été effectué en interne (considérant 50).

Dans son considérant 51, la Cour estime que les autorités nationales n’ont pas tenu compte de tous les faits et facteurs pertinents dans les circonstances de l’espèce pour considérer le licenciement justifié. Elles n’ont pas cherché à évaluer notamment la capacité du courriel en cause à provoquer des conséquences dommageables sur le lieu de travail du requérant, compte tenu de sa teneur, du contexte professionnel dans lequel il s’inscrivait, ainsi que de sa portée et de son impact potentiels sur le lieu de travail. Dès lors, les motifs retenus en l’espèce pour justifier le licenciement du requérant ne peuvent être considérés comme pertinents et suffisants.

Dans son considérant 53, la Cour considère que les autorités nationales n’ont pas démontré de manière convaincante dans les raisonnements de leurs décisions que le rejet du recours du requérant en annulation de la mesure de licenciement était fondé sur un juste équilibre entre le droit de l’intéressé à la liberté d’expression, d’une part, et le droit de son employeur de protéger ses intérêts légitimes, d’autre part. Elle juge donc que les autorités nationales n’ont pas dûment rempli leurs obligations positives au titre de l’article 10 de la Convention.

CEDH,Cour (Deuxième Section), 20 févr. 2024, n° 48340/20.

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