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La suspension en référé du refus d’accorder une décharge d’activité de service à un élu du CSE membre de la F3SCT

Auteur :
Maître Bénédicte Rousseau
|
Publié le
9/12/2023
Temps de lecture :
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Par une ordonnance rendue le 24 avril 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a, d’une part, ordonné la suspension d’une décision par laquelle la direction d’un centre hospitalier avait refusé d’accorder à un syndicat une décharge d’activités de service pour son secrétaire adjoint, élu au CSE et membre de la formation spécialisée en matière de santé, sécurité et conditions de travail (F3SCT).

D’autre part, le même juge a enjoint au centre hospitalier de lui délivrer à titre provisoire la décharge d’activités de service sollicitée par le syndicat, pour la moitié de son temps de service, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa demande.

Le contexte du litige.

A la suite des élections professionnelles qui se sont tenues dans la fonction publique au mois de décembre 2022, un syndicat a saisi la direction du centre hospitalier d’une demande de décharge de service pour activités syndicale au profit de son secrétaire adjoint, par ailleurs élu au CSE et membre de la F3SCT. 

Il était sollicité une décharge de service à hauteur de la moitié du temps de travail de ce représentant du personnel.

Pour rappel, une définition s’impose : une décharge d'activité de service correspond à l'autorisation donnée à un agent public d'exercer, pendant ses heures de service, une activité syndicale en lieu et place de son activité administrative normale. Il revient aux organisations syndicales d’en désigner les bénéficiaires, soit sur la totalité de leur temps de travail, soit sous la forme de décharges partielles de service (comme dans la présente affaire, où la décharge demandée était de 50% du temps de travail de l’agent concerné).

Acceptée dans un premier temps au vu des plannings affichés dans le service, cette demande de décharge de service a finalement fait l’objet d’une décision de refus « compte tenu des contraintes d’organisation actuelles du service ». 

Les recours gracieux du syndicat ayant été rejetées par la direction du centre hospitalier, un référé suspension a été engagé devant le tribunal administratif, assorti d’un recours en annulation (condition obligatoire pour la recevabilité du référé suspension).

La stratégie juridique qui s’impose en cas de refus d’accorder une décharge de service pour activité syndicale : un recours en annulation assorti d’un référé suspension dès lors que l’urgence peut être démontrée.

Le syndicat et l’agent qui se voient refuser une décharge de service peuvent demander au juge des référés la suspension de ce refus sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, ainsi qu’une injonction pour que cette décharge d’activité soit provisoirement accordée, dans l’attente du jugement de l’affaire au fond.

Pour que le référé aboutisse à une suspension, il est nécessaire pour les requérants de démontrer :

  • d’une part, l’urgence à ce que le syndicat et le représentant du personnel bénéficient de la décharge de service demandée ;  
  • d’autre part, l’existence d’un moyen sérieux de nature à créer un doute sur la légalité du refus d’accorder cette décharge de service pour activités syndicales.

Le juge des référés se prononce rapidement après le dépôt de la requête.

ATTENTION ! Devant le juge du référé suspension, il est impératif de déposer dans un premier temps une requête en annulation de la décision contestée. C’est une condition de recevabilité du référé suspension.

Bref rappel du droit en matière de décharge de service pour activités syndicales

Aux termes de l'article 16, IV et V, du décret n°86-660 du 19 mars 1986 :

« IV. - Le crédit de temps syndical attribué est utilisé librement pour les besoins de l'activité syndicale et de la représentation des personnels auprès de l'autorité administrative. Il est utilisable, au choix de l'organisation syndicale, sous forme de décharges d'activité de service ou sous forme de crédits d'heure.

V. - Les organisations syndicales désignent les bénéficiaires des crédits de temps syndical parmi leurs représentants en activité dans l'établissement. Elles en communiquent la liste nominative au directeur de l'établissement ou à son représentant. Dans cette liste, sont précisés les volumes de crédit de temps syndical répartis sous forme de décharges d'activité de service et sous forme de crédits d'heures.

Les décharges de service sont exprimées sous forme d'une quotité annuelle de temps de travail.

Les crédits d'heures sont exprimés sous forme d'autorisations d'absence exprimées en heures, réparties mensuellement.

Si la désignation d'un agent est incompatible avec la bonne marche du service, l'autorité administrative, après avis de la commission administrative paritaire, invite l'organisation syndicale à porter son choix sur un autre agent ».

En application de ce texte, en premier lieu, lorsque la direction estime, au regard des conséquences prévisibles de la décharge d'activité d'un agent, que sa désignation n'est pas compatible avec la bonne marche du service, celle-ci doit inviter l'organisation syndicale à désigner un autre agent. 

Avant cela, la direction doit impérativement avoir recueilli l'avis de la commission administrative paritaire. Autrement, en effet, l’annulation du refus d’accorder la décharge syndicale est prononcée – ce qui démontre le caractère substantiel de cette procédure (CE, 21 novembre 2008, n° 293777).

C’était le cas dans la présente affaire, puisque la direction du centre hospitalier n’avait pas pris soin de recueillir l’avis de la commission administrative paritaire avant de prendre sa décision, privant ainsi le syndicat et l’élu du CSE de la garantie qu’un organisme paritaire se prononce sur la demande légitime de temps syndical.

En second lieu, il appartient à l’administration de rapporter la preuve que la décharge de service pour activités syndicales sollicitée est incompatible avec la bonne marche du service.

En effet, ce n’est que dans cette hypothèse que l’administration peut inviter le syndicat à proposer un autre agent (toujours après avis de la commission administrative paritaire).

Or, en l’espèce, la direction du centre hospitalier n’a pas démontré que ce serait le cas s’agissant de la demande de décharge d’activité à hauteur de 50% pour le représentant du personnel élu au CSE et membre de la F3SCT.

Le DRH s’est borné à indique qu’il ne pouvait pas donner une suite favorable à cette demande « compte tenu des contraintes d’organisation actuelles du service ».

Mais un examen attentif des plannings sur plusieurs mois, et notamment du nombre moyen d’agents en poste en semaine, a suffi pour démontrer au juge des référés que la continuité du service dans lequel était affecté l’agent concerné ne serait aucunement menacée par l’octroi d’une décharge d’activité à hauteur de 50%.

Qu’en est-il de la condition relative à l’urgence ?

Le juge administratif des référés rappelle régulièrement que « la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; il appartient au juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension d’une telle décision, d’apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue ». 

Dans la présente affaire, le syndicat et l’élu au CSE ont fait valoir plusieurs arguments pour établir que la condition d’urgence était remplie : aucun autre membre du syndicat ne souhaitait bénéficier d’une décharge d’activité à hauteur de 50 %, l’agent concerné devait rapidement être formé car il avait été désigné pour remplacer l’actuel secrétaire du syndicat proche de la retraite, etc.

Or, la majorité des autorisations spéciales d’absence de cet agent étant refusées de manière manifestement illégale (un référé liberté avait ordonné au centre hospitalier d’accorder celles prévues avant que l’ordonnance de référé suspension soit rendue).

L’ensemble de ces circonstances ont démontré que la décision du centre hospitalier était de nature à faire obstacle à l’exercice du droit syndical sans aucune justification tirée d’un intérêt public, de sorte que l’urgence a été caractérisée.

En conclusion

Le juge des référés a jugé que la suspension du refus d’accorder la décharge de service demandée par le syndicat impliquait d’enjoindre au centre hospitalier de délivrer ladite décharge d’activités de service, et ce, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa demande (c’est-à-dire à l’issue du recours en annulation).

L’assistance d’un avocat rompu à la procédure du référé suspension est donc fortement recommandée pour assurer au syndicat et aux représentants élus des instances représentatives du personnel les meilleures chances de succès.

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